Dans La Tribune d'aujourd'hui, un article sur :
Le monde de l'assurance va s'ouvrir à la gestion alternative
Les contrats d'assurance-vie et les actifs réglementés des assureurs pourront bientôt être investis dans la gestion alternative. Un décret est en cours d'examen devant le Conseil d'Etat.
Les équipes commerciales de gestion alternative sont dans les "starting-blocks". Elles attendent avec impatience la publication au Journal officiel d'un décret devant modifier le Code des assurances. Ce texte est important pour la profession, car il doit permettre aux fonds de gestion alternative (hedge funds) d'être non seulement éligibles dans les contrats d'assurance-vie, mais également éligibles dans les engagements réglementés des assureurs.
Cette évolution réglementaire n'est toutefois pas une véritable révolution. Elle va surtout mettre fin à ce que certains juristes appellent une "aberration juridique". Car, depuis un an, les OPCVM de gestion alternative se sont retrouvés exclus du secteur de l'assurance. "Le decret 2004-221 du 12 mars 2004 a modifié quelques articles du code des assurances, dont certains renvoyant à d'autres textes, et, par suite d'une erreurs dans cette chaîne de renvoi textuel, les OPCVM de gestion alternative se sont retrouvés dans un flou juridique nécessitant des précisions complémentaires pour le secteur de l'assurance", commente Patrice Oger, responsable du département juridique d'Olympia Capital Services. Une situation qui non seulement ferme le marché de l'assurance aux hedge funds, mais qui de surcroît semble gêner considérablement des assureurs, comme Axa, qui disposent en interne de structures de gestion alternative. Depuis plus d'un an, certains professionnels se retrouvent du coup dans l'illégalité puisque leurs contrats d'assurance-vie sont déjà investis dans des fonds de fonds alternatifs.
Conscientes du problème, les autorités réglementaires ont entrepris dès l'an dernier de corriger le tir en modifiant le Code des assurances. Le nouveau décret, initialement prévu pour la fin du mois de janvier, est toujours en cours d'examen devant le Conseil d'Etat. Il devrait toutefois être publié dans les toutes prochaines semaines. "Avec la succession des ministres à Bercy, tous les calendriers sont bouleversés. Les textes réglementaires prennent tous du retard. Ce qui pour nous se traduit par des conséquences commerciales importantes car le lancement de nouveaux fonds s'en retrouve bloqué", déplore le responsable juridique d'une société de gestion.
Accès limité. En tout cas, dans sa dernière version, le projet de décret rend les fonds Aria (fonds à règles d'investissement allégées, créés par la loi de sécurité financière du 1er août 2003) éligibles dans les unités de compte de l'assurance-vie et dans les actifs réglementés des compagnies d'assurances. Mais les autorités de contrôle ont pris bien soin d'en limiter l'accès. "Les contrats d'assurance-vie ne pourront pas investir plus de 10 % de leurs unités de compte dans la gestion alternative en directe (Aria simple ou Aria avec effet de levier). Cette limite sera relevée à 30 % dans le cas de fonds de hedge funds", explique France Vassaux, responsable des affaires juridiques et du contrôle interne d'Ixis Private Capital Management.
La nouvelle réglementation ne sera en revanche pas aussi vaste pour les actifs réglementés des assureurs. Ces derniers ne pourront investir dans des actifs ou des fonds dits "à risques" que dans la limite de 10 % de leurs engagements. Cette catégorie d'actifs comprend certes les fonds Aria, mais pas exclusivement. Car elle concerne également les fonds communs de placement à risques, les fonds communs de placement pour l'innovation, les fonds contractuels et les fonds communs d'intervention sur les marchés à terme (FCIMT). Une limite en cache souvent une autre, car au sein même de cette catégorie, les assureurs ne pourront pas être exposés aux Aria au-delà de 1 % de leurs engagements.
Malgré ces avancées, les professionnels n'ont pas complètement obtenu gain de cause. Ils souhaitaient en effet davantage. Pour les unités de compte d'assurance-vie, les gestionnaires avaient milité pour une éligibilité à hauteur de 20 % pour la gestion alternative directe et de 40 % pour les fonds de fonds. Pour les engagements réglementés, ils souhaitaient que le ratio d'investissement en actifs à risques soit porté à 20 %. "La Commission de contrôle des assurances a estimé que le ratio de 10 % était plus sécurisant, confie un gérant, ils ont choisi le strict minimum."
Matthieu Protard