"Blanche & Prisca"
"Blanche & Prisca"
(janvier 2003 :closedeyes
Blanche vivait dans un appartement, dans une petite ville de province. Chaque semaine semblait se répéter inlassablement, sans se soucier de ce qu'elle vivait en son moi intérieur. Elle révisait de temps à autre les cours qui l'intéressaient de moins en moins et paradoxalement, elle avait des notes qui s'approchaient de la moyenne, ce qui n'était que très récent. Peut-être tentait-elle sans s'en rendre compte, de se fixer un but, pour continuer cette vie qui lui semblait plus longue qu'à toute autre personne...
Depuis le début de l'année scolaire, elle ne mangeait plus à la cantine de son établissement, qui lui était répugnante. Au début, elle amenait une salade préparée et un dessert et mangeait cela avec ses camarades de classe, dans une salle qui leur était réservée. Mais depuis sont retour de stage, elle n'apportait plus qu'une pomme et un yaourt... c'était le début de la fin, même si au début, tout le monde le prenait à la rigolade, puisque cela était surtout dû à sa fainéantise. Elle n'aimait pas faire la cuisine, c'était un fait... elle se rattrapait en rentrant de cours, en se jetant sur des gâteaux secs. Mais de jour en jour, elle mangeait de moins en moins...
Un matin, elle avait normalement mangé, car pour elle, le petit déjeuné était sacré. Mais durant toute la matinée, elle eût des douleurs d'estomac et d'intestins... elle rentra à son appartement, après avoir prévenu ses professeurs, le conseil de classe étant le soir et ne voulant pas mal se faire voir... Aussitôt arrivée, elle alla se coucher et malgré cette sensation d'être sans cesse éveillée, elle se reposa un peu. Le soir, elle avait toujours mal au ventre, se sentait toujours aussi mal. Elle jeûna. elle appela Prisca, qu'elle aimait du fond du coeur, pour lui conter sa journée.
Prisca était marocaine et attendait d'obtenir son visa depuis plus de huit mois. elle avait connu Blanche par Internet. Une histoire très compliquée, mais qui avait tourné à une véritable obsession autant pour l'une que pour l'autre : le coup de foudre... Elle était inscrite dans une école privée parisienne depuis la rentrée, mais le consulat ne voulait toujours rien entendre... et plus les mois passaient, plus elle et Blanche avaient du mal à accepter cette attente.
Après avoir parlé avec sa moitié, elle téléphonait à d'autres amies, qui avaient la chance de pouvoir se voir enfin et partager réellement leur amour. Blanche n'était pas jalouse, mais elle le vivait mal. Elle se demandait pourquoi elle et Prisca avaient autant de problèmes pour pouvoir se voir, tandis que Vanina et Esther n'avaient eu que quelques mois à attendre. Si le bon dieu existait, pourquoi les faisait-il autant souffrir ? N'avaient-elles pas suffisamment attendu ?... Elles lui contaient que pour elles non plus ce n''était pas facile, qu'elles devaient tout le temps se cacher, les parents de Esther n'étant pas au courant du fait qu'elle sortait avec Vanina, qui l'avait retrouvée en Corse, et elles devaient se faire passer pour de simples amies.
Le soir, Blanche alla se coucher et éteignit son réveil pour le lendemain, tant elle ne se sentait pas d'attaque pour pouvoir affronter la journée de cours du lendemain, ses maux de ventre étant toujours plus ou moins présents. Trois quarts de Lexomil plus tard, elle s'endormait.
Le lendemain, elle se réveilla vers midi. Elle n'avait aucune envie de se lever et resta à se tourner et se retourner dans son lit, avec par moment des bouffées de chaleur et d'autres, des claquements de dents... Finalement, quelques heures plus tard, elle finit par se lever. elle tenta de manger un peu, mais ça ne voulait toujours pas passer... son estomac faisait la grimace. Elle se prépara et s'habilla, comme un jour normal, pour se convaincre de rester debout, malgré ces vertiges qui commençaient à la gagner. Assise, elle ne s'en rendait pas compte, ce n'était donc pas grave. Mais le jour suivant, il lui faudrait pouvoir aller au lycée, afin de ne pas manquer son devoir d'Eco-Droit et cela serait sans doute très dur.
L'histoire dit qu'elle s'y rendit, mais que dans sa tête, plus rien n'était vraiment en place, elle avait dû encore écrire des bêtises monumentales sur sa copie. Mais c'était toujours mieux qu'un zéro pointé. Lorsqu'elle se releva de sa chaise, pour sortir du devoir, elle manqua de tomber par terre, tellement elle n'avait plus de force. Elle déposa sa copie sur le bureau de sa prof et rentra chez elle.
Pour Prisca, c'était un beau jour : elle allait enfin pouvoir faire une surprise à sa femme adorée. en effet, la semaine passée, elle avait réussi à obtenir son visa, mais n'avait rien dit à Blanche, afin de lui réserver la surprise de son arrivée. A peine arrivée à Paris, elle avait déposé ses affaires chez son cousin et elle était allée acheter un billet de train pour la retrouver. Il était arrivé à 16h. Ca faisait une petite heure, déjà, qu'elle attendait, assise en haut de l'escalier, près de la porte de l'appartement de sa moitié. Elle entendit un bruit de pas légers et une personne qui montait lentement les escaliers grinçants. Ca devait être elle...
Prisca se releva sans faire de bruit et était prête à l'accueillir, à la prendre dans ses bras. Elle se pencha par dessus la rampe pour l'apercevoir : Blanche montait, en ne regardant que les marches et prenait son trousseau de clefs. Au dernier tournant de l'escalier, elle aperût une ombre qui ne lui était pas habituelle. Elle releva la tête et la vît enfin... elle souriait... elle sentait son coeur battre à perdre haleine... il cognait, elle sentait cela jusque dans ses tympans... Elle voulut monter rapidement les dernières marches, mais sa force manquait et à un moment, elle ne vit plus rien et se sentit aspirée par le vide...
Prisca pleurait, devant sa moitié allongée sur le palier de l'étage inférieur. Blanche était d'une pâleur encore pire que pouvait laisser entendre son prénom. Ses yeux étaient fermés. Elle souriait. Elle avait dévalé l'escalier en arrière et sa nuque avait heurté chaque marche raide une à une. Elle serrait encore de ses quelques forces la main de sa promise, dont elle parvenait à percevoir les sanglots. Dans la rue, le SAMU arrivait, alerté par les voisins qui s'amassaient autour d'elles. Blanche parvint à entrouvrir les yeux et murmura dans un dernier souffle : "Prisca... je t'aime..." tandis qu'un filet de sang commençait à glisser de ses lèvres. Son étreinte se relâcha. Elle partait dans le noir, tandis que les hommes la déposaient sur un brancard...