Pour ceux que cela intéresse, voici la suite de l'histoire de Maëlle. Le début se trouve dans l'ancien forum.
Petit rappel : Maëlle est morte. Elle erre en solitaire dans le voile qui sépare le monde des vivants et le monde des morts. Elle rencontre Gregory, un fantôme comme elle, qui va la guider à travers leur monde.
La dernière fois, Maëlle a assisté au suicide d'un homme. Alors qu'elle s'apprêtait à aller à la rencontre du nouveau fantôme, un être s'en est emparé et l'a amené de force ailleurs. S'ensuit une dispute entre Gregory qui reproche à Maëlle de ne pas accepter sa mort et cette dernière qui soupçonne Gregory d'en savoir plus qu'il n'y paraît...
...Gregory se lève.
- Tu poses trop de question, Maëlle.
- Je suis bien obligée ! Toi, tu sais. Moi je ne sais rien. Et tu ne parles pas ! J’ai besoin de savoir !
- Tu n’as pas besoin de savoir. Tu n’as besoin de rien, tu m’entends ? Tu es morte ! Défunte, décédée, disparue… tu es même enterrée ! Le temps passe et tu en es toujours au même stade. Tu espères, tu regrettes, tu attends… Cela ne sert à rien, Maëlle, seulement à te faire souffrir.
Il secoue la tête, d’un air triste, tourne les talons et s’éloigne.
Je ne comprends plus, je ne le comprends plus. Sans lui je suis perdue, s’il ne me guide pas. Alors je me lève et le suis. Alors il y a plusieurs niveaux… Moi qui doutait de l’existence d’un quelconque paradis, d’un quelconque enfer. Plusieurs questions se bousculent dans ma tête, je suis dans un flou total...
Interdite, je regardais celui que je considérais comme mon protecteur s’éloigner. Je ne comprend pas. Il en sait plus que moi, mais ne veut rien partager. Pourquoi est-il venu à ma rencontre, l’autre jour, dans le parc ? Inconsciemment, je lui emboîte le pas. Une partie de moi n’a aucune envie de rester seul, dans ce monde où je suis perdue au milieu des vivants. Dans un monde où des personnes vous emmène ailleurs… Pourquoi tous les morts ne restent ils pas ici, avec nous ?Gregory m’a dit une fois que nous étions entourés de gens comme nous, d’autres fantômes. Mais je n’arrive pas à les distinguer des vivants.
Une fois, alors que je m’étais assise au coin d’une rue, j’ai aperçu une femme qui me regardait attentivement. Je suis allée à sa rencontre, je lui ai parlé et elle s’est mise à hurler et s’est enfuie. Elle était vivante.
Jour 3
Voilà à quoi je suis destinée. A errer dans un monde où mes questions ne trouveront jamais de réponses, où chaque jour se ressemble à tel point que je ne les distingue plus. Je ne suis pas assez forte pour me battre. Je ne me souviens plus quel genre de personne j’étais avant, mais je m’imagine faible, me laissant marcher dessus. Une vie telle que ma mort. Je pourrais presque en rire, tellement je ne ressens rien. Juste cette envie de m’assoupir qui est omniprésente.
Gregory a cessé de marcher. Il parle avec quelqu’un. Un fantôme ? Je reste en retrait, je les observe. Je pense que l’autre homme est mort car sa tête est penchée dans un angle étrange. Ils parlent en faisant de grands mouvement et soudain Gregory me montre du doigt. L’autre tourne la tête et je vois enfin son visage.
Je recule d’un pas.
Son visage n’a plus rien d’humain, comme si sa face avait disparu et s’était liquéfié. Le haut de son front était dégarni, son front démesurément long et ses yeux inexistants. Du haut de son visage, il ne restait plus rien. Même son nez ne formait qu’une petite bosse au-dessus d’une bouche immense et monstrueuse. J’eus un hoquet. Que dire ? Etais-je stupéfaite ? Effrayée ?
L’homme tendit une main vers moi. Une main fine et anguleuse, comme le reste de son corps fin, long et gris. Tout en lui était gris, comme si ses couleurs disparaissaient petit à petit.
Il bougea la main, insistant, mais Gregory se plaça entre lui et moi. « Va-t-en ! » entendis-je. « Tu ne l’auras pas ! ».
L’homme poussa un grondement sourd et fendit la foule vers la direction opposée, si vite qu’il semblait s’être évaporé !
Que me voulait cette chose ? Une sensation nouvelle me parcourait le corps. Mon corps frémissait, mon squelette tout entier frémissait.
Gregory s’approcha de moi et me toucha l’épaule :
- Ne t’inquiète pas, je ne l’aurais pas laisser te prendre.
J’ouvris la bouche, mais de ma gorge aucun son ne voulait en sortir. Gregory m’observa de plus près :
- Tu trembles ? De quoi as-tu peur ?
- Peur ? Qu’est-ce que c’est ?
Gregory sourit. Je ne me souviens pas l’avoir vu sourire depuis que je le connais :
- C’est vrai… tu as tout oublié. Avoir peur, c’est ça : trembler, avoir la gorge nouée… être effrayé… tu réapprendras. Viens…
Il me prit la main.
Nous marchâmes longtemps, je ne savais pas où j’allais mais je le suivais. Parfois, des éclairs de lumières m’éblouissaient, d’autres fois je ne voyais plus rien. Je ne cessais de penser à cet homme effrayant.
A suivre...